Notre avis
La place de la musique dans d’autres œuvres artistiques est emblématique. Elle attire notre attention avant même qu’un événement dramatique n’ait lieu. N’avez-vous jamais frissonné sur la musique des « Dents de la Mer » ? Eprouvé quelques exaltations guerrières sur la charge des Rohirims dans « le Seigneur des Anneaux : le retour du roi » ? Vous m’aurez compris, la musique amplifie nos émotions et le sens implicite d’une création artistique : un film ou comme à présent une pièce de théâtre. L’interprétation musicale est donc tout aussi importante que l’histoire en elle-même ! Une tâche ardue qu’incombe à tout compositeur qui souhaite embellir voire narrer musicalement une œuvre. Et quelle œuvre ! Nous parlons aujourd’hui de la pièce de théâtre « Hamlet » rédigée par William Shakespeare…
En 2013, la formation française SEYMINHOL entreprend la tâche pour le moins ardue (il suffit de lire l’introduction pour comprendre…) de relater à travers « The Wayward Son » la fameuse pièce de théâtre.
On eut pensé que cette pérégrination musicale s’arrêterait ici mais cela ne saurait sans compter sur la capacité de composition du groupe qui revient aujourd’hui avec le nouvel opus : « Ophelian Fields ». Un nouveau challenge musical qui vient compléter le précédent album en se focalisant sur Ophélie, amante d’Hamlet. Un personnage secondaire et pourtant emblématique, voguant au fil des flots de l’amour, de la haine et de la mort…
Ce petit point culture aura son utilité pour appréhender les pistes de « Ophelian Fiedls », construit à l’instar de la pièce que l’opus relate :
- Intro: Appetite
- Act II, scene 2: My soul’s Idol
- Interlude: Nymph
- Act III, scene 1: Hidden Desire
- Act III, scene 2: Behind the Mask
- Act IV, scene V: Her Majesty of Flowers
- Part 1: The Devil takes thy Soul
- Part 2: Crown of Thorns
- Part 3: After
- Outro: The River Lamentation
L’introduction nous plonge doucement dans l’univers. Doucement c’est le terme, au travers d’une guitare en arpège très légère. L’intrigue et le cadre se posent, le rideau se lève, un homme et une femme chantent à l’unisson.
Une harmonie qui est subitement coupée par le début de l’acte 2. Nous sommes cueillis d’emblée par la batterie puissante de Thomas Das Neves (qui avait déjà marqué de son jeu le précédent opus) et la voix de Kevin Kazek. La composition du morceau oscille entre parties rythmiques puissantes, agressives et moments mélodiques que le piano, la basse et la guitare expriment avec une certaine subtilité. Une passion retentissante emblématique de l’amour que partagent les deux protagonistes.
« It’s an emotion, a adevotion It’s the perfum of lust » – Act II, scene : My soul’s Idol
L’interlude prend place sans que nos oreilles ne prennent gare tant la transition musicale est orchestrée. De nouveaux éléments comme le violon, un enchainement virevoltant de notes, une légère arythmie viennent apporter une dimension nouvelle à cette intrigue musicale.
Sentiment renforcé dès le début de l’acte 3. Suite d’accords puissants laissés en suspend, soutenue par une batterie stylisée très thrash … Si la musique en elle-même est entraînante, on perd quelque peu la dimension dramatique suscitée dans les premiers morceaux. La mélodie n’en reste pas moins très imagée et expressive.
S’ensuivent les morceaux, homogènes au point de ne se rendre compte des changements de pistes. Saisissant de contrastes entre mélodie et violence rythmique, notamment sur « Act IV, scene V : Her Majesty of Flower » où l’on peut noter la présence d’un chœur féminin apportant une dimension très profonde et épique comme seul SEYMINOHL en a le secret.
L’album s’achève au bout de 35 minutes d’onirisme, écoute dramatique partagée entre amour et violence illustrant une vision de l’œuvre shakespearienne. Et si l’on regrettera la durée du LP, on remerciera la production aux petits oignons alignée avec une composition des plus fines faisant ressortir toute la dimension dramatique. On notera aussi l’attention avec laquelle SEYMINHOL nous invite à entrer dans leur interprétation musicale en prenant soin d’apporter une homogénéité musicale entre les morceaux qui facilitent le suivi et l’immersion au sein de la narration.
En définitive, « Ophelian Fields » est un conte dramatique emprunt des styles musicaux représentatifs de toute la maturité dont fait preuve aujourd’hui la formation. Un pari réussi qui saura plaire aux oreilles les plus sensibles et attentives mais qui reste pour autant tout à fait accessible pour les non-initiés.
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