Détail de l'album

Notre avis

Qu’elle nous réjouisse ou nous exaspère, la scène rock française est toujours au rendez-vous pour relancer les hostilités quand on s’y attend le moins et devant la pléthore de formations émergeant quasi quotidiennement, nous autres chroniqueurs, ne savons plus où donner de la tête.

Depuis qu’internet est venu accélérer le mouvement jusqu’au vertige, faisant et défaisant les carrières à une vitesse aussi grande que celle de la lumière, il est bon de se tourner vers des valeurs sûres. Et Hangman’s Chair en est une. Mais entrons dans le vif du sujet en évoquant ce que les artistes doivent s’évertuer de faire lors de productions artistiques : immerger les auditeurs au cœur d’une vision subjective et d’expériences sonores uniques. Humbles et honnêtes, Hangman’s Chair fait parti de ces groupes qui pensent leurs choix de carrière en fonction de leurs instincts et non de leurs portefeuilles et nous propose un album dépouillé en apparence mais en fin de compte très riche en arrangements.

Ne plus parler mais conter, échapper aux lieux communs, aux paroles vides et à la langue de bois. Ne plus parler mais vibrer, dans cette tentation du grognement, du cri, de l’inarticulé, se frayer un chemin dans l’éloquence du son jusqu’à la révélation de l’harmonie. Pénétrer la terre de l’autre et violer son silence, forcer sa frontière et outrer son confort. Hangman’s Chair, c’est tout cela à la fois. Un faux pas de nos jours est synonyme de mise à l’écart et ça les parisiens le savent bien. Ils ont donc mis toutes les chances de leur côté en embauchant aux manettes Francis Caste et le résultat est digne d’un Hangman’s Chair des grands jours.

Le charme opère immédiatement et la production est dynamique, recherchée tout en sachant se faire discrète pour valoriser les compositions et les ambiances. Le schéma s’avère rigoureusement subtile avec une combinaison de riffs tirés à quatre épingles, une rythmique soutenue avec une batterie omniprésente et une certaine mélancolie dans l’interprétation. Ils ont acquis une nouvelle maîtrise musicale et ils alternent les cadences, pondent des mélodies limpides et l’ensemble forme véritablement un tout où chaque enchaînement est calculé.

Indiscutablement destiné à provoquer le même engouement que  « This Is Not Supposed To Be Positive » sorti en 2015, on se laisse volontiers gagner par leur savoir faire (sans doute conscient de leur potentiel, le quatuor a opté pour une piqûre de rappel qui reprend là où son prédécesseur s’était arrêté, en rajoutant néanmoins quelques nouveaux ingrédients). L’exceptionnel pouvoir de séduction de cet opus tient dans son aptitude à marquer l’intemporalité, nous plongeant à bras ouverts dans un univers ô combien onirique et apporte finalement une réponse à treize années d’amitié.

De cette complicité tourbillonnante se décline une multitude de morceaux regorgeant de mélodies profondes, conférant à l’ensemble une densité et une linéarité parfaitement maîtrisée. Ma fibre mélomane est mise à rude épreuve et on réalise très vite que cette nouvelle galette possède de réels trésors. Mon talent est d’en trouver aux autres…et ces quatre garçons en ont à revendre. Un album chaudement recommandé donc tant aux nostalgiques de nouvelles découvertes qu’aux paléontologues du rock underground. Addictif et envoûtant !

Arno Jaffré